rubrique rédigée par:
Jean-Jacques Michallon
avocat fiscaliste
ancien inspecteur des impôts
www.j2m-online.fr
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1 – Reporter la première intervention de l’inspecteur
Vous venez de recevoir l’avis de vérification et vous paniquez en réalisant que votre comptabilité n’est pas à jour ou que certaines pièces justificatives importantes n’ont pas encore été finalisées. Le premier réflexe de toute personne dans cette situation est de téléphoner au vérificateur pour lui demander de reporter la date de la première intervention. C’est une erreur. Les inspecteurs n’apprécient pas cette demande ressentie comme étant annonciatrice d’un contrôle difficile où le contribuable fera tout pour perturber le déroulement normal de la procédure. Cela est d’autant plus regrettable que rien de véritablement substantiel n’est abordé durant la première intervention. De plus elle est généralement de courte durée et survole l’ensemble des éléments en relation avec l’environnement de l’entreprise. Il est donc généralement préférable de ne pas reporter la date de la première intervention puis au cours de cette réunion, de demander au vérificateur un report de la seconde intervention ou d’espacer largement les trois premières réunions. Vous aurez alors le temps nécessaire pour procéder au travail de fond préalable au véritable démarrage des opérations de contrôle sans alerter votre vérificateur.
2 – Laisser votre expert comptable réviser seul votre dossier
Il est important de vous assurer que votre expert comptable contrôle la cohérence et l’exhaustivité de votre dossier avant la première intervention. Mais il est au moins aussi important que vous révisiez avec lui les éléments fondamentaux qui assurent la cohérence des données par rapport à votre situation professionnelle et patrimoniale. Assurez-vous que votre expert comptable ne se contente pas simplement de la concordance globale des chiffres et du rassemblement de ses feuilles de travail. Il faut d’abord vérifier l’aspect formel du dossier (ce sera l’objet de la première intervention) comme la bonne tenue des registres obligatoires (livre journal, livre d’inventaire, grand livre, registre d’assemblées). Il est également utile de vérifier les archives avec lui afin de contrôler leur exhaustivité et de retirer ce qui peut être confidentiel et qui ne relève pas strictement de la comptabilité et des livres obligatoires (business plan, négociation financière avec la banque, proposition de rachat d’une autre entreprise etc).
3 – Tenter d’impressionner l’inspecteur par une démonstration de force
Certains contribuables tentent de masquer leur inquiétude en réservant au vérificateur un accueil particulièrement musclé lors de la première intervention. Il peut s’agir, soit de lui opposer un panel de trois à cinq conseils réputés, soit de lui présenter une personnalité connue des responsables politiques locaux ou régionaux. Cela sera très mal ressenti par le vérificateur et surtout par sa hiérarchie sans que personne ne soit impressionné par ces manoeuvres auxquelles l’administration est préparée. Cela aura paradoxalement l’effet inverse, la hiérarchie s’appliquant à démontrer son indépendance et l’échec des tentatives d’intimidation alors qu’elle aurait pu faire une lecture bienveillante de certaines dispositions techniques comme le Ministre le demande parfois à l’ensemble de ses services.
4 – Ne pas chercher à communiquer efficacement avec votre vérificateur
C’est parfois la crainte de provoquer des redressements fiscaux supplémentaires qui pousse certains contribuables à éviter de dialoguer avec l’inspecteur vérificateur. Pourtant savoir dialoguer avec votre vérificateur est fondamental, savoir « faire parler » votre inspecteur est souvent déterminant pour éviter les mauvaises surprises en fin de contrôle. Votre vérificateur ne vous dévoilera pas spontanément ses objectifs, ses premières conclusions provisoires ou les tests qu’il va programmer dans les prochaines séances. Savoir le faire parler – surtout savoir écouter ses questions – peut souvent éviter des rappels disproportionnés par rapport aux problèmes réels. Insister pour programmer une ou deux séances de pré-synthèse vous permettra d’éviter que des postulats faux ne deviennent des données indiscutables dans l’esprit du vérificateur et de sa hiérarchie à qui il rend compte régulièrement.
5 – Passer du choque frontal au mutisme
Vous vous êtes laissé entraîner dans des rapports conflictuels avec votre inspecteur et vous passez au mutisme le plus complet en refusant tout contact, toute communication avec le vérificateur. Ce n’est hélas pas une attitude qui vous aidera à anticiper les résultats du contrôle ou les questions qui peuvent se poser ainsi que les réponses stratégiques à apporter. Cette attitude va nuire une nouvelle fois au contribuable et non pas au vérificateur qui pourra faire son contrôle tranquillement sans rien révéler quant à sa stratégie et aux suites possibles de la vérification.
6 – Ne pas anticiper le résultat probable du contrôle fiscal
Le but du contribuable doit être de maîtriser le déroulement des opérations de vérification en tentant d’avoir une vue claire sur l’issue probable du contrôle fiscal. Il doit savoir lire les informations qui lui parviennent au cours des conversations avec le vérificateur afin de déterminer les forces et les faiblesses de son dossier. Cela doit lui donner une estimation des buts réels du vérificateur et des marges de négociation. Il est utile de comprendre que certaines marges de discussions sont spécifiques au déroulement du contrôle fiscal. Tant que la proposition de rectification n’est pas écrite, les deux parties s’évaluent mutuellement, échangent leurs arguments et peuvent se mettre d’accord sur le constat de certaines faiblesses du dossier. Par exemple évaluer le montant des travaux en cours peut être plus aisé pendant le déroulement du contrôle, lorsque l’ensemble des données comptables est à disposition plutôt que par échange de mémoires écrits 17 mois après la clôture du dernier exercice vérifié.
7 – Menacer de déposer le bilan ou de faire un licenciement massif
Beaucoup de chefs d’entreprise s’imaginent que la menace d’un dépôt de bilan ou l’annonce de la fermeture d’un établissement et de licenciements feront rapidement fléchir l’administration, d’autant que ces sujets sont présentés par les média comme des sujets sensibles aux enjeux multiples. Pourtant l’administration fiscal procède d’abord à une analyse juridique des rappels effectués et des critiques du contribuables. Une argumentation axée sur l’impact économique et humain des redressements ne sera jamais suffisante, à la fois pour convaincre l’administration ou pour l’impressionner. Il est nécessaire de toujours faire une démonstration juridique axée sur la procédure suivie, le bienfondé de l’impôt, voire sur l’équité des services dans leur exercice des contrôles fiscaux avant de présenter à titre simplement complémentaire, l’impact et les dommages économiques que vous risquez de subir si les rappels sont maintenus.
8 – Proposer de payer cash un montant symbolique contre l’abandon des rappels
L’administration ne prend pas ses décisions comme le ferait un homme d’affaires ou un commerçant dans une salle de criée. L’aspect financier est important mais il faut intégrer l’idée que l’axe juridique l’est tout autant. Il n’est pas concevable de proposer à l’administration de payer immédiatement 20% ou 35% des rappels et d’abandonner le solde pour la seule raison que vous proposez un règlement rapide. Sans aucune justification juridique portant sur la critique de la procédure, de la conduite du contrôle ou du bienfondé de l’impôt, la seule équation financière est insuffisante. Cela étonne souvent les chefs d’entreprises qui s’attendent à ce que l’administration raisonne d’abord en termes financiers, particulièrement lorsque les rentrées fiscales sont difficiles. En fait sans argumentation juridique structurée l’offre de règlement partiel – qui sera entendue comme une demande de dégrèvement massif – sera le plus souvent refusée par les services fiscaux.
9 – Ne pas chercher à identifier les forces et les faiblesses du dossier avant de négocier
Il peut être étonnant de constater que l’administration a souvent des difficultés pour trouver le terrain adéquate afin de prononcer un dégrèvement. Aujourd’hui tous les services doivent se justifier et il n’est pas concevable d’espérer obtenir un dégrèvement sur la base d’un simple réalisme économique, d’une menace de licenciement ou grace à un appel téléphonique d’une personnalité importante. En fait un fonctionnaire, même s’il est directeur, doit justifier toutes ses décisions vis-à-vis de sa propre hiérarchie. Il faut lui donner le plus d’arguments valides pour justifier une décision de dégrèvement total ou partiel. En fait donner une grille de lecture originale, juridiquement structurée et économiquement fondée constitue souvent un appui précieux pour compléter l’analyse administrative interne à laquelle procèdent les services de contrôle et peut favoriser de façon significative une décision de dégrèvement ou d’abandon partiel d’un redressement.
10 – Tenter de faire retirer le dossier au vérificateur par l’intervention d’une personnalité
Vous imaginez qu’en faisant intervenir une personnalité connaissant un ministre ou un directeur d’un service important, votre dossier sera retiré définitivement des mains de l’inspecteur qui n’entendra plus jamais parler de vous. C’est une idée et un réflexe fréquent en cas de contrôle fiscal difficile mais cela est un illusion qui va compliquer un peu plus vos relations avec l’administration. Le circuit administratif est rodé pour un tel scénario. Votre dossier sera un temps seulement (pendant au maximum six mois) retiré des mains de l’inspecteur à qui l’on demandera un rapport sur la conduite de la procédure et les difficultés qu’il a rencontrées. Les éléments transmis permettront à l’administration centrale de rédiger une réponse au contribuable, puis le dossier sera transmis en retour à l’inspecteur qui terminera son contrôle. Retour à la case départ.