Charges sociales sur Dividendes: la 2ème vie des SPFPL


charges sociales sur dividendes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Dans sa décision du 19-10-2023 (n° 21-20366), la 2ème chambre de la Cour de Cassation a décidé que les dividendes versés à la holding détenue par un travailleur indépendant par la société où celui-ci exerce son activité entrent dans l’assiette de ses cotisations sociales dès lors que ces sommes constituent un revenu d’activité professionnelle. Cette formulation sibylline mérite que soient précisées les limites de cette décision en vue de répondre à la question que soulève cette jurisprudence: Les dividendes versés à la holding d’un travailleur libéral par sa Selarl, rentrent-ils toujours dans l’assiette de ses cotisations sociales?

L’ANALYSE SPÉCIFIQUE DE LA COUR DE CASSATION: Les dividendes sont analysés comme le produit d’une activité libérale.

Pour la Cour de Cassation, Il résulte de l’article L 131-6, III du CSS que les bénéfices de la SEL au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l’assiette de ses cotisations sociales, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la SPFPL qui détient le capital de la SEL.

Cette analyse surprenante vaut, selon la seconde chambre de la Cour de Cassation, même lorsque les dividendes reçus par la SPFPL sont conservés par elle et ne sont pas redistribués à son associé.

Cette décision n’a pas fini de susciter des réactions outragées de nombreuses organisations professionnelles et d’experts qui soulignent les incertitudes et les contradictions de cette décision.

Cette jurisprudence concerne les seuls professionnels libéraux ayant le statut de TNS au travers de la société dans laquelle ils exercent, c’est -à -dire lorsqu’ils exercent en SELARL.

La 2° chambre civile de la Cour de Cassation a une vision très particulière de l’analyse de la rémunération des gérants TNS car elle applique de fait le régime d’une transparence fiscale au niveau de la holding qui détient les titres de la Selarl alors que cette transparence ne résulte d’aucun texte.  

 

LES LIMITES DE CETTE JURISPRUDENCE: les dividendes perçus par un dirigeant salarié ne sont pas visés par l’arrêt de la C.Cass.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation fonde l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants sur le lien entre les éléments retenus à titre de rémunération et l’activité professionnelle. Toute somme dont le travailleur indépendant ne bénéficie qu’en raison de son activité constitue, selon elle, un revenu d’activité indépendamment de sa forme ou de ses modalités de versement. 

Cette analyse ne vaut pas cependant lorsque le professionnel exerce son activité en SELAS (et non pas en SELARL) – il a alors le statut d’un Président de SAS. Or le représentant légal d’une SAS est un salarié.

La solution de l’arrêt du 19 octobre 2023 se fonde en effet sur les dispositions de l’article L 131-6, III du CSS auquel renvoie l’article D 633-2 du CSS pour la cotisation d’assurance vieillesse des professionnels libéraux. Inversement, cette analyse ne vaut pas pour les professionnels ayant le statut de salariés.

Sont concernés par cette décision les seuls travailleurs indépendants non salariés exerçant dans une société soumise de plein droit ou sur option à l’IS – c’est-à-dire les gérants de SELARL. 

Les Présidents de SELAS ne sont pas visés par l’article 131-6 du CSS et ne sont pas soumis à l’analyse iconoclaste de cette jurisprudence sociale.

Comme l’illustre le schéma ci-dessus, la jurisprudence surprenante de la 2° Chambre Civile ne s’applique pas aux rémunérations et aux dividendes perçus par les dirigeants de SAS et de SELAS puisque la rémunération de ces dirigeants n’est pas visée par l’article 131-6 du CSS.

Ces rémunérations sont des salaires et sont soumises à un régime social différent de celui des TNS.

 

LA RÉPONSE POSSIBLE passe par certaines modifications de la structure d’exercice.

La réponse à cette jurisprudence peut donc être double:

  • augmenter le capital social afin que le seuil de 10% soit lui-même plus rehaussé;
  • transformer la Selarl en SAS, c’est-à-dire en SELAS pour les professionnels libéraux.

Les professionnels libéraux exerçant en SELARL auront donc à évaluer l’opportunité de transformer leur société d’exercice en SELAS afin d’échapper à l’application de cette jurisprudence.

La plupart des sociétés d’exercice ont été créées sous la forme de SELARL (sarl) et non pas SELAS (sas) car les charges sociales portant sur la rémunération du dirigeant sont ainsi moins élevées.

La jurisprudence de la 2ème Chambre de la Cour de Cassation, invite les professionnels libéraux à revoir ce schéma et à transformer leur Selarl en SELAS afin d’échapper à cette analyse.

Notez que l’application de charges sociales sur des dividendes distribués à la SPFPL et non encaissés effectivement par l’associé de la SPFPL va à l’encontre des principes majeurs applicables en droit des sociétés et en droit fiscal. L’écran de la personnalité morale des SPFPL, créées soit en SAS soit en SARL, est un principe juridique fondamental sur lequel s’appuie l’architecture des groupes.

Le fisc ne prétendrait jamais que des dividendes encaissés par la seule holding SPFPL et non-redistribués à son associé puissent être considérés comme des revenus imposables à l’impôt sur le revenu.

La transformation des Selarl en Selas est une bonne précaution contre cette jurisprudence sociale.

Il est bon cependant de garder à l’esprit que cette analyse est cantonnée au droit social et que les principes fondamentaux applicables en droit des sociétés et en droit fiscal demeurent inchangés.

Les SPFPL conservent donc leur justification et restent un bon outil d’organisation patrimonial, d’autant que l’élargissement de leur objet social voulu par la loi Macron du 6 août 2015 conserve tout son intérêt.

 

LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALES POUR 2024

Le Gouvernement a présenté un amendement 3313 dans le cadre de la discussion de la loi de financement pour la sécurité sociale de 2024. De l’avis général, cet amendement a entraîné un refonte globale de calcul des cotisations sociales des TNS qui met fin à la jurisprudence très controversée de la Cour de Cassation.

L’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants définie à l’article L 131-6 du CSS sera désormais déterminée à partir de celle de la CSG et de la CRDS.

Elle cesse ainsi d’être déterminée au regard du revenu professionnel tel que retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu (CSS article 131-6 modifié). De ce fait, la référence au revenu professionnel contenu dans l’arrêt de la Cour de Cassation disparaît. Les dividendes qui resteront soumis aux charges sociales sont limités aux distributions encaissées par le contribuable lui-même (personne physique et non la société mère) ainsi que son conjoint ou partenaire Pacs dès lors que les dividendes seront supérieurs à 10% du capital social augmenté des comptes courants d’associés.

 Selon cet amendement, les dividendes remontant d’une SEL vers une SPFPL soumise à l’impôt sur les sociétés seront écartés de l’assiette des cotisations sociales.

sources: M° Gaillard dans sa publication de janvier 2024 et Village de la justice du 4 janvier 2024

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