anticiper et préparer le contrôle fiscal
rubrique rédigée par:
Jean-Jacques Michallon
avocat fiscaliste
ancien inspecteur des impôts
www.j2m-online.fr
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POURQUOI UN CONTROLE FISCAL?
Le contrôle fiscal constitue la contrepartie du système déclaratif français. L’impôt étant établi à partir des déclarations souscrites « spontanément » par le contribuable sur la base des éléments qu’il décide de retenir, l’Administration fiscale dispose d’un droit de contrôle, à posteriori, des éléments ainsi déclarés. Pour inciter le contribuable, personne physique ou morale, à la plus grande « sincérité » lors de l’établissement de ses déclarations fiscales, le contrôle fiscal se veut à la fois suffisamment fréquent et efficace. De fait, seulement une vérification de comptabilité sur dix se solde par une absence de redressement. Les rappels peuvent néanmoins être importants et mettre la vie de l’entreprise en danger. Il est nécessaire donc de prendre toutes les dispositions possibles pour protéger l’entreprise de conséquences potentiellement dévastatrices.
QUELLES SONT LES DIFFERENTS TYPES DE CONTROLE ?
1 – Le contrôle sur pièces
C’est la forme la plus courante du contrôle qui concerne plus de 2 000 000 de contribuables chaque année. Il s’exerce à partir des éléments contenus dans le dossier des contribuables (déclarations des contribuables eux-mêmes ou de tiers déclarants : établissements financiers teneurs de comptes, employeurs, payeurs de prestations…, recoupements provenant d’Administrations françaises ou étrangères,
informations patrimoniales issues de l’enregistrement : acquisitions immobilières…). Après avoir effectué des contrôles de cohérence, l’Administration adresse aux contribuables des demandes de renseignements, non contraignantes, ou des demandes d’éclaircissements ou de justification ayant un caractère d’exigence plus important.
2 – Le contrôle externe des particuliers
C’est une méthode de contrôle du revenu global des particuliers qui ne sont pas astreints à la tenue d’une comptabilité. Elle vise près de 5 000 particuliers chaque année. Elle permet de contrôler la cohérence entre les revenus déclarés d’une part et la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie du contribuable, d’autre part. La procédure utilisée par l’Administration est l’examen de situation fiscale personnelle (EFSP).
3 – Le contrôle externe des entreprises
C’est un contrôle fiscal qui consiste en un examen sur place de la comptabilité d’une entreprise de manière à confronter des données déclaratives et comptables avec des faits matériels afin de s’assurer de l’exactitude des déclarations souscrites par les entreprises. Environ 50 000 contrôles de ce type sont diligentés chaque année. La procédure utilisée est la vérification de comptabilité. Elle peut se combiner éventuellement avec une ESFP.
4 – Des formes exceptionnelles de contrôle
Dans certaines circonstances, l’Administration engage des contrôles fiscaux adaptés à la situation rencontrée, en utilisant des procédures particulières ou exorbitantes du droit commun : droit d’enquête (ou perquisition fiscale), contrôle inopiné, contrôle de facturation.
COMMENT GERER CE RISQUE D’ENTREPRISE ?
Le pouvoir de contrôle de l’Administration est généralement perçu comme un risque important et difficilement maîtrisable pour la personne ou la société contrôlée. Le plus souvent, cette appréhension est due à un manque de préparation à l’éventualité d’un contrôle, à des connaissances insuffisantes en matière de droits et obligations du contribuable vérifié et à une organisation inappropriée pour gérer efficacement le contrôle fiscal par des réponses ciblées aux attentes du service vérificateur. La présente étude a donc pour principal objectif de démystifier l’approche « sanction » du contrôle fiscal en proposant des réponses pratiques pour y faire face dans les meilleures conditions, par une préparation minutieuse au fil du temps, et par un audit des principaux risques, de préférence de façon régulière ou, à défaut, dès l’annonce du contrôle.
Aussi, pour permettre de se préparer au contrôle fiscal de l’entreprise, est-il proposer de répondre à aux questions suivantes.
– Comment se préparer au fil du temps à l’éventualité d’un contrôle fiscal ?
– Mon entreprise peut-elle être vérifiée ?
– Comment diminuer la probabilité d’être sélectionné ?
– Comment répondre par anticipation aux futures questions du vérificateur?
– Quels sont les risques à auditer préventivement ?
MON ENTREPRISE PEUT-ELLE ETRE VERIFIEE ?
> La vérification de comptabilité concerne les personnes astreintes à la tenue d’une comptabilité ou à présenter des documents comptables (LPF, art. L. 13)
Un avis de vérification sur place, en principe dans les locaux d’exploitation, peut donc être adressé à toute société, groupement ou exploitant individuel dont les résultats imposables relèvent des règles des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux, du régime réel des bénéfices agricoles, de l’impôt sur les sociétés ou qui sont assujettis à la TVA. Ainsi, sont notamment susceptibles d’être vérifiés en dehors des cas « classiques » d’entreprises individuelles et de sociétés industrielles, commerciales ou artisanales, certaines sociétés immobilières, sociétés de personnes, associations ou autres groupements.
> La vérification de comptabilité peut intervenir à tout moment de la vie de l’entreprise.
Quelques mois d’activité suffisent pour que l’Administration déclenche, par exemple, une vérification ponctuelle en matière de TVA. Lorsque l’activité se développe, la vérification est susceptible de s’étendre à tous les impôts déclaratifs dont relève l’entreprise. Même après la disparition de la personnalité morale, des opérations de contrôle peuvent être diligentées notamment en cas de fusion, dissolution amiable ou dissolution judiciaire.
> L’Administration procède à la programmation des futurs contrôles
Dans cette perspective, elle organise la recherche et l’exploitation d’informations. Une fois cette programmation effectuée, les contrôles sont engagés avec une procédure strictement encadrée : la procédure de vérification de comptabilité (v. étude «PROC»).
En principe, l’Administration ne peut renouveler une vérification de comptabilité portant sur des périodes d’imposition et des impôts déjà vérifiés sur place. A contrario, il lui est possible de contrôler des impôts de nature différente sur une même période, ce qui est par exemple le cas si la vérification précédente a été limitée aux taxes sur le chiffre d’affaires.
Ce principe du non-renouvellement des contrôles sur place souffre plusieurs exceptions. En effet, l’Administration peut revenir dans l’entreprise pour effectuer une vérification de comptabilité lorsqu’elle découvre des agissements frauduleux ( LPF, art. L. 187), lorsqu’il s’agit de « re-contrôler » le résultat d’ensemble d’une société-mère dans le cadre du régime de l’intégration fiscale ( CGI, art. 223 A), ou encore lorsqu’elle a eu recours à l’assistance administrative internationale.
COMMENT DIMINUER LA PROBABILITE D’ETRE VERIFIE ?
> respecter ses obligations déclaratives
L’un des premiers motifs de sélection des dossiers d’entreprises pour un contrôle externe, est le défaut de respect des obligations déclaratives, les irrégularités constatées dans le dépôt des déclarations ou les incohérences relevées entre les documents composant la liasse fiscale.
C’est pourquoi il convient d’apporter un soin particulier au respect des obligations déclaratives.
Dans la forme, tout d’abord, car la présentation des déclarations donne une image négative ou positive de l’entreprise qui sera déterminante pour avoir, du point de vue de l’Administration, une « bonne moralité fiscale ». Dans le respect des dates de dépôt, ensuite, car les retards sont, pour l’Administration, des signes de difficultés particulières, par exemple dans l’organisation de l’entreprise ou sa gestion fiscale et qui peuvent être un indice d’irrégularités fiscales.
Dans le contenu des déclarations, enfin, car il est l’expression du respect des règles fiscales. Les différentes informations figurant dans la liasse fiscale, sont reprises dans plusieurs documents et peuvent être facilement recoupées dans le cadre de contrôles de cohérence.
Respecter les obligations déclaratives, c’est également souscrire les déclarations dans les délais légaux. Des irrégularités en la matière peuvent conduire à l’application de procédures plus contraignantes et coercitives que la procédure contradictoire de la vérification de comptabilité.
> contrôler la cohérence des déclarations
Il faut respecter le principe déclaratif mais il faut également veiller à déposer des déclarations fiscales cohérentes. Les déclarations fiscales sont la “vitrine fiscale” de votre entreprise. C’est avant tout par vos déclarations que le fisc fait connaissance avec votre société. La première lecture que vous offrez à votre contrôleur des impôts doit être à l’abri de toute question de fond. Une incohérence flagrante pousse à un contrôle sur pièces approfondi. Si un tel contrôle fait apparaître d’autres incohérences sérieuses, votre probabilité d’être sélectionné augmente énormément.
Si vous procédez avec votre comptable à une lecture fiscale et financière de votre entreprise, de vos déclarations personnelles et de votre patrimoine, vous devez retrouver une cohérence forte entre les flux de votre entreprise, les revenus perçus personnellement et les variations de votre patrimoine.
Si vos revenus professionnels proviennent essentiellement ou exclusivement de votre entreprise, comme c’est fréquemment le cas, tous les flux sont liés et doivent être soudés par une cohérence mutuelle.
> s’assurer de la valeur probante de la comptabilité
Le vérificateur s’assure, dès le début de son contrôle, de la régularité et du caractère probant de la comptabilité. Il examine et contrôle, notamment, la validité des enregistrements comptables en les rapprochant des pièces justificatives présentées par l’entreprise. Il analyse également les différents documents concourant à la formation des résultats.
Si, à l’issue de ses premières investigations, le vérificateur est en mesure de démontrer l’existence d’irrégularités rendant la comptabilité non probante, les chances de faire prévaloir les arguments de l’entreprise lors d’un contentieux ultérieur en seront nettement diminuées puisqu’elle perdra un élément essentiel de preuve et qu’a contrario, l’Administration pourra substituer aux résultats déclarés, de nouvelles bases déterminées à partir des éléments dont elle dispose.
C’est pourquoi, il est de l’intérêt de l’entreprise de bien respecter les règles comptables. Tenue des livres obligatoires, exigence de pièces justificatives pour toute écriture, notamment les plus complexes, conformité aux préconisations comptables…
Une bonne préparation à une éventuelle vérification de comptabilité passe donc nécessairement par une validation des procédures comptables mises en oeuvre par l’entreprise.
> constituer un dossier fiscal sur les événements particuliers et les situations à risques vécus par l’entreprise
Dans la mesure où le contrôle fiscal débute généralement par une revue de l’activité de l’entreprise et de son organisation, il est souhaitable d’avoir préalablement constituer un dossier regroupant différents documents d’information sur l’entreprise : organigrammes (groupe, fonctionnel, …), rapports annuels d’activité, rapports financiers, PV des conseils d’administration, etc. Ces documents étant mis à la disposition du vérificateur, ils doivent, dès l’origine, être élaborés en tenant compte des contraintes fiscales. En dehors des informations générales afférentes à la vie de l’entreprise, il convient de documenter avec une attention particulière, les événements « non récurrents » ou « sensibles » que le vérificateur ne manquera pas de relever : opérations de restructuration (fusions, scissions, apports…) ; constitutions de provisions ; financements complexes ; relations avec les dirigeants ou avec les principaux actionnaires ; opérations patrimoniales importantes ; activités professionnelles spécifiques, etc. Lorsque, en cours d’activité, l’entreprise identifie un événement « non récurrent » ou « sensible », elle réalise généralement, une analyse des faits suivie d’un examen des dispositions applicables et de la qualification juridique et fiscale de l’opération. Il est nécessaire de conserver des traces de cette approche, qui permettra, le cas échéant, de se remémorer les choix juridiques et fiscaux effectués à l’époque des faits, de présenter des réponses cohérentes et organisées au vérificateur, et de donner une image positive et rigoureuse de la gestion fiscale et comptable de l’entreprise.
COMMENT GERER LE CONTROLE SUR PLACE ?
> préparer la première intervention sur place du vérificateur
Au jour et à l’heure fixés dans l’avis de vérification, le vérificateur se présente au siège de l’entreprise.
Au cours de cette première intervention du vérificateur, le cadre général du contrôle (contenu et conditions matérielles de son déroulement) se précise et « l’ambiance relationnelle » s’installe entre l’entreprise et le vérificateur. Il est donc particulièrement important de réussir cette première étape du contrôle en soignant l’accueil et en préparant le contenu probable de cette intervention.
Accueil du vérificateur
Il est souhaitable que le chef d’entreprise lui-même, ou l’un des dirigeants, puisse accueillir le vérificateur, introduire la présentation générale de l’entreprise et de ses activités, préciser les moyens qui seront mis à la disposition du vérificateur pour lui permettre de mener à bien sa mission.
Présentation de l’entreprise
Il est indispensable d’effectuer une description claire et suffisamment précise de l’entreprise, de ses activités, de son environnement commercial et industriel, de son actionnariat, de ses principales étapes historiques… Des documents généraux d’information financière ou de communication peuvent être remis à cette occasion, à condition bien sûr qu’ils ne présentent pas d’information erronée, incohérente ou de nature à susciter des questions délicates que l’entreprise souhaiterait éviter. En tout état de cause, une copie des liasses fiscales déposées peut être remise au vérificateur, ce qu’il apprécie généralement.
La description succincte de l’organisation interne de l’entreprise permet à son responsable de présenter la personne qui sera l‘interlocuteur privilégié du vérificateur au cours des prochaines interventions sur place.
Pour éviter une dégradation ultérieure du « climat relationnel », il peut être utile d’aborder la question des photocopies dès la première intervention. Plutôt que de mettre à la libre disposition du vérificateur une photocopieuse, il est préférable de le décharger de cette tâche matérielle en lui demandant de préciser les documents dont il souhaite recevoir une copie.
> maîtriser le déroulement du contrôle sur place
Outre les recommandations relatives aux questions de procédure, et notamment celles touchant aux droits et garanties du contribuable vérifié, l’entreprise peut, dans l’organisation qu’elle met en place à l’occasion du contrôle, suivre et maîtriser le déroulement de celle-ci.
Organiser le débat oral et contradictoire – Il peut être suggéré au vérificateur de consigner par écrit, à la fin de chaque intervention sur place, une liste de questions qu’il souhaite aborder lors de son intervention suivante. Lorsque les questions envisagées paraissent trop larges et imprécises, l’entreprise peut prendre l’option de limiter le champ de sa réponse aux éléments qui lui paraissent le mieux adaptés. Ainsi, si le vérificateur n’est pas satisfait, il sera contraint de préciser et de limiter l’étendue de ses interrogations. Dans certains cas, il peut être utile de différer les réponses à certaines questions délicates, pour prendre le temps de collecter toutes les informations utiles et d’évaluer les risques potentiels. Pour écarter le risque d’opposition à contrôle fiscal, il paraît judicieux de noter la date de la formulation de chaque question et de la date de réponse par l’entreprise.
Mettre en place un suivi précis des investigations du vérificateur – Du côté de l’entreprise, une organisation méthodique du suivi de contrôle peut être mise en place. Il s’agit, par exemple, de constituer des dossiers sur chacun des points faisant l’objet d’un examen détaillé par le vérificateur. Ces dossiers seront, bien entendu, alimentés par ceux qui auront pu être préparés préventivement à l’occasion des opérations complexes et des prises de position internes.
Clarifier les situations de fait – Si des désaccords se font jour, il est essentiel de bien préciser les faits pour cantonner le différend aux divergences de fond. Trop souvent, les dossiers pré-contentieux révèlent une discordance entre la description des faits selon l’administration fiscale et celle selon l’entreprise ou son conseil. Le débat avec le vérificateur sur la consistance des faits permet, dans le meilleur des cas, de « désamorcer » les tentatives de redressements, et dans le pire des cas, d’enrichir le dossier d’éléments matériels qui seront utiles pour le contentieux ultérieur.
Obtenir une véritable réunion de synthèse en fin de contrôle sur place – En toute hypothèse, il convient de demander une véritable réunion de synthèse en fin de contrôle afin d’examiner contradictoirement les différents redressements envisagés. A cette occasion, il conviendra de veiller à obtenir du vérificateur, pour chacun des chefs de redressements envisagés : la description des faits tels qu’il les a perçus, les textes sur lesquels il s’appuie pour envisager les redressements et les conséquences qu’il compte tirer de ses observations et analyses. Si cette réunion de synthèse n’aboutit que rarement à l’abandon de redressement envisagé, elle permet au moins d’identifier les points qui seront susceptibles d’être critiqués dans la réponse écrite de l’entreprise à la notification de redressements.
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