QU’EST QU’UN ESFP – EXAMEN DE SITUATION FISCAL PERSONNEL ?


Rubrique rédigée par:

Jean-Jacques Michallon
avocat fiscaliste
ancien inspecteur des impôts
www.j2m-online.fr

Vous venez de recevoir un avis de vérification fiscal personnel (n°3929) et vous vous demandez pourquoi vous êtes vérifié, quel va être le déroulement de ce contrôle fiscal, comment vous comporter et quelle peut être l’issue de cette vérification.

Lisez calmement les explications suivantes et préparez votre défense.

  • LA  LOGIQUE  DE  L’ESFP

L’examen de situation  fiscale personnelle est la procédure de vérification fiscale dédiée au contrôle des particuliers – par opposition à la vérification de comptabilité orientée vers les entreprises.

Il s’agit donc de contrôler la cohérence entre l’ensemble des flux de vos revenus et de votre patrimoine par rapport aux montants de vos revenus déclarés. L’inspecteur qui va procéder à votre contrôle va donc rechercher des éléments dans les flux (notamment financiers) qui lui permettent d’identifier des présomptions de revenus non déclarés. Il est possible de se défendre et d’utiliser des garanties. Mais préalablement il est nécessaire de comprendre la logique procédurale de cette forme de contrôle fiscal pour savoir comment se comporter.

Dans les années 70, ce type de contrôle était exclusivement écrit et anonyme. Le contribuable recevait exclusivement des courriers de l’administration (sans aucun nom du fonctionnaire concerné) dans lesquels il était indiqué : « L’administration dispose d’éléments permettant de penser que vos revenus réels sont supérieurs à vos revenus déclarés. Veuillez expliquer les incohérences suivantes … ». C’était évidement frustrant et sous la pression des députés de l’époque la procédure a changé afin de permettre aux contribuables de rencontrer leur inspecteur vérificateur, d’avoir un dialogue contradictoire avec un fonctionnaire nommément désigné qui n’agit plus sous l’anonymat. L’idée est séduisante mais il ne faut pas avoir trop d’illusions sur l’amélioration qui en est résultée.

Aujourd’hui la procédure comporte donc deux phases : le dialogue oral et (en principe) contradictoire qui se déroule au cours d’une série de rendez-vous dans les locaux de l’administration et une phase écrite composée de demandes de justifications puis suivie (éventuellement) d’une proposition de rectification.

Il faut garder en mémoire que la phase orale est optionnelle – vous n’êtes pas légalement tenu de vous rendre dans  les locaux de l’administration et que la phase écrite demeure la plus importante – la procédure reste gouvernée par la règle essentielle de la preuve écrite.

Il faut avoir d’emblée recherché la bonne stratégie pour savoir comment se comporter durant ces différentes phases.

  • LES  PHASES  DE  LA  PROCEDURE

L’ESFP commence par l’envoi  d’un avis de vérification (imprimé n° 3929) dans lequel il vous est indiqué les années vérifiées, les noms de votre vérificateur et de ses supérieurs ainsi que différentes informations dont la plus importante est que le contrôle peut durer une année.  Ce délai court de la réception ou de la remise de l’avis de vérification portant ESFP au contribuable jusqu’à la proposition de rectification qui clôture la phase administrative de l’ESFP.

Il faut accepter le fait que le contrôle peut durer longtemps, cela doit être compris comme un moyen d’organiser sa stratégie et sa défense phase par phase en pesant les points forts et les points faibles de votre dossier. Cette durée vous permettra également d’identifier les pièces à rassembler pour apporter les preuves nécessaires afin de ne pas être taxé sur la base de présomptions de revenus non déclarés (nous allons les détailler).

A ce stade il n’est pas nécessaire de prendre contact avec l’administration, même si vous êtes conscient de certaines incohérences ou erreurs dans vos revenus déclarés des années vérifiées. Il est trop tard pour les réparer et il faut penser d’abord à la stratégie de conduite durant le contrôle.

Vous allez recevoir quelques jours après l’envoi de l’avis de vérification, une proposition de rendez-vous dans les locaux de l’administration avec une liste impressionnante de documents et de justificatifs à fournir.

  • LES  RENDEZ-VOUS  DANS  LES  LOCAUX  DE  L’ADMINISTRATION

Cette  proposition de rendez-vous dans les locaux de l’administration est la première d’une série de quatre à six réunions qui vous seront proposées. Bien que ces réunions aient été inscrites dans la procédure fiscale dans le but initial de donner au contribuable des garanties de dialogue contradictoire, ces courriers ressemblent plus à des convocations qu’à des propositions de réunions. Il vous sera systématiquement demandé d’apporter des documents et des informations pour alimenter le dossier de votre vérificateur. Il s’agit ici d’un point clé. Au démarrage de la vérification fiscale personnelle, votre vérificateur n’a que relativement peu d’éléments dans son dossier et il va utiliser les réunions contradictoires qu’il est tenu de vous proposer pour obtenir les informations et les documents qui lui manquent.  Vous devez donc lire attentivement les questions qui vous sont posées car elles contiennent souvent la clé qui explique pourquoi vous êtes contrôlé, quelle est l’origine et la cause de ce contrôle fiscal. Cet élément est souvent un guide utile pour suivre la bonne stratégie de conduite.

L’ESFP ne revêt en effet aucun caractère contraignant. Le contribuable faisant l’objet de ce contrôle n’encourt donc aucune sanction en s’abstenant de se rendre aux convocations de l’administration ou de fournir les documents personnels demandés. Cela est de jurisprudence constante :  CE 19 décembre 1984 n° 34731. Il faudra donc vous décider de vous rendre ou pas aux réunions qui vous seront proposées en fonction du contenu de votre dossier et de la stratégie la plus adéquate en fonction de l’évolution du dossier.

Il faut garder à l’esprit que ces réunions sont pour l’inspecteur des occasions d’obtenir des informations et de recueillir la copie de documents qui lui seront utiles pour vous taxer.

Quelles que soient l’issue de ces réunions, la procédure demeure essentiellement écrite et que les réunions aient lieu ou pas, elles seront toujours suivies de documents écrits adressés par lettre recommandée avec accusé de réception.

  • LA  DEMANDE  DE  JUSTIFICATIONS

Avant de vous taxer d’office sur la base de présomptions de revenus non déclarés, votre vérificateur doit vous adresser préalablement un document capital dans le cadre de cette procédure : la demande d’éclaircissements et de justifications n° 2072. Il s’agit souvent d’un document volumineux qui va nécessiter une lecture très analytique et impliquer la préparation de copie de documents en vue d’éviter des redressements potentiels.

Dans l’analyse de votre dossier, votre vérificateur s’attachera particulièrement à étudier les rentrées bancaires identifiées sur chacun de vos comptes : il s’agit donc des sommes portées au crédit de vos comptes bancaires. Dès lors que le cumul de ces sommes est supérieur au double de vos revenus déclarés (critère dit de la jurisprudence du double),  l’inspecteur peut vous demander d’apporter les justifications – selon les règles de la procédure écrite – afin d’éviter un redressement sur chaque somme inexpliquée.

Le livre des procédures fiscales permet en effet à votre vérificateur de vous taxer sur l’ensemble des crédits bancaires qui demeurent inexpliqués ou non justifiés et de les rajouter à vos revenus déclarés. On appelle ces montants rappelés résultant des crédits bancaires non justifiés, les revenus non dénommés ou bien encore les revenus d’origine indéterminée. Ils sont en effet rattachés à vos autres revenus mais sans qu’une catégorie de revenus ne leur soit affectée.

La préparation de la réponse à la demande de justifications est donc cruciale car elle va donner une orientation à l’issue de la procédure de vérification dans son ensemble.

Si les pièces apportées et les justifications données sont d’un point suffisant et ciblent exactement la réponse la plus efficace, le rappel ne sera pas effectué. Si au contraire les pièces fournies ne répondent pas aux règles de la procédure écrite, le vérificateur se dirigera vers un redressement.  Compte tenu du volume d’information à fournir, le délai de réponse de deux mois est relativement court et les premiers justificatifs devront être préparés dès le déclenchement de la procédure et l’analyse du dossier.

Le dialogue entre l’administration et le contribuable devient beaucoup plus technique durant cette phase car le vérificateur indique dans la demande de justification, ce qui pour l’administration correspond aux règles de la procédure écrite sans nécessairement indiquer la jurisprudence qui a amoindri les exigences de l’administration et permis au contribuable d’apporter des justificatifs sans disposer systématiquement d’un acte notarié ou d’un acte enregistré.

Il faut procéder à une réponse adéquate pour chaque somme figurant dans la demande de justifications. A défaut une mise en demeure d’avoir à compléter la réponse pourra être adressée par le vérificateur (imprimé 2172 bis)

  • LA  PROPOSITION  DE  RECTIFICATION

Si la réponse à la demande de justifications n’a pas, aux yeux de l’administration, apporté tous les éléments nécessaires permettant d’écarter la présomption de revenus non déclarés, le vérificateur vous adressera une proposition de rectification dans laquelle il listera les crédits bancaires pour lesquels la présomption de revenus non déclarés est maintenue et indiquera les incidences en droits et pénalités.

Il faut bien réaliser que votre vérificateur a dès le début de la procédure – et notamment dès la première proposition de réunion – comme objectif d’aboutir à ce stade de la procédure et de notifier des rappels sur la base de la présomption de revenus non déclarés au titre des crédits bancaires inexpliqués.

Alors que le vérificateur a peu d’éléments dans son dossier au début de la procédure, on constate qu’il y a une passerelle entre la phase orale du contrôle (centrée sur la collecte d’informations et de documents à charge) et la phase écrite du contrôle qui traduit dans un cadre procédural précis, les incohérences que le vérificateur aura pu mettre en évidence, parfois avec la coopération active du contribuable qui le constatera amèrement en fin de vérification.

  • LES  SUITES  DE  LA  PROCEDURE

Si les rappels sont maintenus après la réponse écrite du contribuable, votre dossier sera alors placé en phase précontentieuse et vous aurez à aborder une autre série de questions afin de faire les arbitrages stratégiques adéquates :

–          Faut-il tenter de négocier certains rappels ?

–          Des fautes de procédure ont-elles été commises ?

–          Faut-il saisir la commission départementale ?

–          Un contentieux fiscal est-il inévitable ?

–          Quel sera son impact sur la gestion du patrimoine ?

–          Le sursis de paiement pourra-t-il être obtenu ?

Autant de questions qu’il faut aborder le plus tôt possible, notamment lorsque le dossier de vérification n’est qu’en phase orale et que l’origine du contrôle commence à être identifié.

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